« Allô. Je m’appelle Yaneck. Je suis gai et célibataire. Mon plus grand désir est d’être papa. Oui je peux adopter à la DPJ ou à l’international, mais après plusieurs années de réflexion, j’ai décidé d’opter pour la coparentalité homosexuelle. En partenariat avec une femme, je souhaite faire un enfant. Si tu connais une amie ou que tu es interpellée, partage la vidéo ».

Le texte est écrit depuis la fin décembre. La vidéo n’est toujours pas enregistrée. Yaneck hésite à utiliser sa notoriété pour diffuser son message sur sa chaîne YouTube ou ses réseaux sociaux avec des milliers d’abonnés.

Je ne veux pas devenir le porte-parole de la coparentalité au Québec, dit-il. Il y a encore beaucoup de préjugés et de personnes qui sont contre ce principe-là ».

À l’aube de ses quarante ans, Yaneck tente sa chance sur l’application de rencontres Bumble qui se targue de donner le pouvoir aux femmes en étant responsables de faire les premiers pas. Contrairement à Tinder, le réseau est réputé pour bâtir des relations plus durables avec aussi une option Bumble BFF (friendship).

Trouver la perle rare

Au premier coup d’œil, Yaneck capte mon attention avec ses cheveux châtains, ses yeux bleus, sa barbe courte et son sourire charmeur. L’homme joue avec son image de mec sexy qui ne se prend pas trop au sérieux. Dans une vidéo Instagram, il campe le personnage de Johnny (Patrick Swayze) dans le film Dirty Dancing en se déhanchant langoureusement sur le plancher.

Son message de présentation sur Bumble est direct. Yaneck cherche une femme en santé pour faire un bébé en garde partagée. « Je cherche une fille qui va devenir ma meilleure amie, m’explique-t-il. J’imagine beaucoup d’entraide sans nécessairement habiter sous le même toit. On pourrait habiter le même quartier ».

Autrefois hétérosexuel, Yaneck n’aurait pas de difficulté à concevoir l’enfant naturellement. « On pourrait faire des essais homemade, mais ça va dépendre de notre arrangement, souligne-t-il en riant. On ne fera pas le bébé dans le premier mois. On va se fréquenter six mois, neuf mois jusqu’à ce qu’on soit prêts »

À la naissance de l’enfant, l’ancien professeur au primaire envisage de dormir chez son amie pour l’aider à se reposer durant les périodes les plus intenses de l’allaitement. Yaneck veut être un papa présent pour développer un lien affectif fort avec l’enfant en attendant de l’éduquer à temps partiel avec sa complice. La famille irait en vacances ensemble. Leurs conjoints respectifs pourraient se greffer au fil du temps.

Longue réflexion

Yaneck a d’abord fait appel à une agence de coparentalité basée en France : le site de rencontres pour faire un enfant. Il a étudié tous les dossiers des Montréalaises en payant un forfait mensuel d’une vingtaine de dollars. Selon lui, le catalogue est mal fait. « Je ne voyais jamais si les femmes avaient lu mon message ou si elles s’étaient branchées sur le site, dit-il. J’ai écrit à douze personnes sans succès »

Le travailleur autonome était aussi en lice pour adopter auprès du Directeur de la protection de la jeunesse  dans la catégorie homosexuelle monoparentale.

Je n’ai pas beaucoup d’encouragements et de support dans mon cercle d’amis. Mes parents vivent loin, c’est épeurant d’adopter seul un enfant généralement poqué par la vie. Aucun bébé de la DPJ n’arrive en santé ».

Yaneck a finalement rejeté cette alternative au moment où il obtenait l’autorisation après quatre ans de démarches et d’enquêtes auprès de son entourage. Il préfère être en duo pour se lancer dans la paternité. « Ça enlève beaucoup de poids de pouvoir s’entraider et se confier dans l’éducation de notre enfant », croit-il.

Le projet de fonder une famille à deux avec un éventuel amoureux demeure le scénario idéal, mais le temps presse. «Je suis célibataire depuis deux ans. J’ai de la difficulté à rencontrer. Je suis pas mal connu dans le milieu gai à Montréal et je suis attiré par des gars plus jeunes que moi. Ils ne sont pas rendus là », m’avoue celui qui a été ébranlé par la crise de la quarantaine.

Des amours éphémères

Il y a longtemps que Yaneck nourrit le projet d’être père, il veut maintenant accélérer le processus pour trouver la perle rare. Au Québec, il n’y a pas vraiment de site web ou d’application pour faciliter la rencontre entre deux personnes célibataires souhaitant à tout prix fonder une famille en dehors d’une relation de couple.

Selon le recensement 2016, les personnes vivant seules représentent plus du quart des ménages canadiens. La famille formée d’une mère et d’un père mariés et de leurs enfants appartient désormais au passé. Les familles reconstituées, les couples homosexuels et les monoparentales font largement partie du paysage québécois.

En vieillissant, il est de plus en plus difficile de s’abandonner au coup de foudre, ou du moins de s’investir complètement dans une relation amoureuse à travers nos histoires familiales personnelles et nos ambitions professionnelles. Dans notre société individualiste de consommation, tout est achetable et jetable rapidement pour combler nos envies du moment.

Ayant chacun ses craintes et ses blessures, il n’est pas toujours facile de faire des compromis et plonger tête première dans de nouveaux liens affectifs possiblement éphémères. Tomber en amour demeure un risque alors que faire un bébé est un engagement à vie.

Application bébé 3.0

Désillusionnés de rencontrer l’âme sœur, les célibataires de toute orientation sexuelle pourront-ils bientôt swiper des photos pour trouver un ami avec qui faire un bébé? À la tête de Bumble et cofondatrice de Tinder, Whitney Wolfe Herd pourrait répondre à cette demande en créant une toute nouvelle application sociale.

Pour certaines personnes, le désir de prendre soin d’un petit bout de chou et de le voir grandir est viscéral. Je le constate dans mon cercle d’amis, mais aussi à travers mes observations et mes rencontres depuis le lancement de Gesansfiltre. Pour ma chronique Maman à tout prix, j’ai rencontré des femmes qui ont choisi d’avoir des bébés en solo à défaut d’avoir rencontré le prince charmant.

Est-il possible de bâtir des liens amicaux solides pour éduquer un enfant qui a été ardemment espéré par les deux parents? Y aura-t-il moins de risques que celui-ci soit pris au cœur d’une rupture désastreuse où les ex-conjoints se déchirent amèrement?

Je respecte la démarche de Yaneck qui me fait réfléchir à la question. N’ayant pas passé le cap de la mi trentaine, je ne ressens pas encore cette urgence d’enfanter. Selon les statistiques, ma fertilité pourrait néanmoins commencer à chuter. Mon horloge biologique devrait bientôt sonner.

« Tu pourrais avoir un bébé avec Yaneck! », me lance ma mère croyant que sa fille indépendante pourrait relever le défi haut la main. Ouverte d’esprit, elle a visiblement hâte d’être grand-maman!

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À noter que le nom de Yaneck a été changé pour préserver son anonymat. Écrivez-moi si vous voulez que je vous mette en contact avec lui pour son « projet bébé ».

Pour en savoir plus, voici un documentaire sur la coparentalité homosexuelle:

Auteure

J'adore raconter des histoires! Souvent comme journaliste, ici comme chroniqueuse.

2 Comments

  1. Je lis ton message deux ans trop tard et Yaneck a certainement trouvé sa perle. Je recherche un caucasien dans la région de Montréal et environ 1m70 et plus prêt à subir des tests sanguins à mes frais .
    Si tu connaîs des personnes intéressées par la Coparentalité , j’ai hâte de les rencontrer .

    • Ge Reply

      Yaneck a finalement abandonné le projet de coparentalité. Bonne chance dans tes recherches!

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