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Masculinité toxique : l’isolement tue les hommes

Rien de nouveau sous le soleil : les garçons apprennent, depuis toujours, à réprimer leurs émotions pour répondre aux stéréotypes de genre. « Un garçon, ça ne pleure pas. Sois fort! », donne en exemple la journaliste Liz Plank, dans son essai Pour l’amour des hommes. Le livre, traduit et publié aux Éditions Québec Amérique, met en lumière les dangers de « la grande répression »,  liée à la masculinité toxique.

Pandémie mondiale : restons debout

J’ai besoin de lumière. J’ai besoin de positif. J’ai besoin de douceur. Bonne nouvelle! Le printemps est à nos portes. Bientôt, nous pourrons ouvrir les fenêtres, nous délester de nos vêtements chauds et enfin voir nos familles et nos amis au soleil, à l’extérieur de nos maisons devenues pour plusieurs une prison.

Depuis le début de 2021, il y a eu au Québec sept féminicides en 46 jours. Rebekah, Nadège, Myriam, Sylvie, Nancy, Marly et Elisapee sont mortes sous les coups d’un homme violent. Dans la dernière année, 10 000 femmes se sont vu refuser l’accès à des centres d’hébergement pour victimes de violence conjugale. Faute de ressources, nous avons échoué à leur offrir un lieu sécuritaire où se reconstruire. 

La violence est apprise, répétée et transmise. Nous devons déconstruire les rôles entre hommes et femmes pour mettre fin à cette dynamique toxique de pouvoir. Les hommes peuvent être vulnérables, ils doivent savoir exprimer leurs émotions sans coups ni blessures. 

Apprenons aux garçons dès l’enfance à se valoriser autrement qu’en exerçant du contrôle ou en étant violents. Il faut pouvoir contrer les effets de cette violence omniprésente dans les films, les chansons, les jeux vidéo, la pornographie et les médias sociaux. 

Insultes, intimidation, menaces, obscénités et commentaires agressifs pullulent maintenant sur le fil d’actualité des personnalités publiques. Artistes, politiciens et animateurs, tous ont goûté aux messages haineux. À quel moment avons-nous commencé à tolérer ces comportements déviants? Nous devons les condamner haut et fort pour en finir avec la banalisation de la violence.

Cycle de la pauvreté

Aujourd’hui, les adeptes des théories du complot partent en guerre contre un système qui, jugent-ils, les méprise de près ou de loin. Dans leurs rangs, plusieurs analphabètes fonctionnels crachent leur fiel grâce à des vidéos partagées inlassablement sur Facebook. Les conspirationnistes narguent les policiers et encouragent la désobéissance civile. Ils ne croient pas à la parole des politiciens, des scientifiques, des journalistes.

Les médias ont échoué. Le système d’éducation a échoué. Notre société a échoué. Il se trouve des Québécois et des Québécoises incapables de faire des choix éclairés. L’école ne leur a pas permis de développer leur esprit critique, nécessaire pour identifier adéquatement les fausses nouvelles. Difficile de le faire quand on est en mode survie. Pauvreté intellectuelle rime souvent avec pauvreté économique.

La pandémie Covid-19 a creusé le fossé entre riches et pauvres. Elle a frappé plus durement les personnes qui occupent les emplois au bas de l’échelle. Selon l’Observatoire québécois des inégalités, les femmes ont subi 68 % des pertes d’emplois enregistrées au Québec depuis un an. Les ainés, les jeunes en situation d’itinérance, les familles monoparentales, les personnes sans emploi et les communautés autochtones ont été davantage fragilisés par l’arrêt économique et les mesures de confinement. Depuis plus d’un an, les énormes sacrifices consentis pour enrayer ce virus qui tue des millions de personnes sur la planète créent un climat anxiogène pour tous, mais surtout pour les moins nantis.  

Après la Deuxième guerre mondiale, les déficits ont été résorbés grâce à l’impôt sur le revenu. Cette mesure d’abord temporaire, qui devait financer la guerre de 1917, est devenue permanente en 1948 parce que le Canada a choisi d’offrir encore plus de services à ses citoyens. Après la guerre sanitaire actuelle, nous devrons réviser nos priorités en tant que société. En espérant qu’à la sortie de cette crise planétaire, nous réussirons à mieux protéger les plus vulnérables. 

À l’aube de cette troisième vague, j’ai besoin de lumière. J’ai besoin de positif. J’ai besoin de douceur. Dans ce numéro d’avril, il est question de résilience et d’humanité. En attendant que le coronavirus soit chose du passé, restons debout.

*L’éditorial a été publié dans le magazine Reflet de Société, en avril 2021. Au terme de l’année, ce sera plus de 17 femmes qui seront tuées sur les 39 victimes d’homicide.

SOS violence conjugale : 1 800 363-9010 ou par texto 438 601-1211

Culture du viol : de mères en filles

Ma mère a quitté la campagne pour se marier à un hippie d’Hochelaga-Maisonneuve, rencontré sur une plage de Floride. Mon frère et moi sommes nés de cette union au début des années 80. Les réunions familiales avaient lieu sur les terres du patriarche. J’étais toujours assise près des adultes pour écouter leurs histoires lorsqu’ils jouaient aux cartes.

Haute comme trois pommes, je me souviens d’une discussion sur le devoir conjugal parce que mon grand-père avait dit au curé de « se mêler de ses affaires ». Le clergé catholique rural des années 50 exerçait des pressions sur les femmes afin qu’elles accomplissent leur devoir conjugal sans avoir recours à la contraception. Il ne fallait pas laisser « refroidir le berceau » alors même que des femmes mouraient en couche. Ma grand-mère était une féministe avant son temps. Elle comptait ses « lunes », et dénonçait aussi « l’obligation », pour le couple marié, d’avoir des rapports sexuels réguliers.  

Dès l’enfance, j’ai compris qu’être de sexe féminin amène son lot de dangers et d’inégalités. En 1990, au retour de l’école primaire, un conducteur m’a interpellée par la fenêtre de sa voiture. Quand je me suis approchée, il a éjaculé sous mes yeux. J’en garde un vague souvenir de dégoût. Au collège, il y avait un exhibitionniste qui aimait surprendre les petites filles en jupe à carreaux. La police ne l’a jamais attrapé. Adolescente, j’ai appris à marcher avec mes clés entre les doigts pour être capable de me défendre, à la tombée de la nuit.

Je me suis toujours promis de ne jamais laisser un homme me marcher sur les pieds. Ma mère et mes tantes n’ont pas brûlé leur soutien-gorge pour rien, au tournant des années 70; moi aussi, j’allais revendiquer l’égalité hommes-femmes dans toutes les sphères de ma vie. Pas question que je « torche mon chum », et j’allais être indépendante financièrement. Et je revendiquerais l’égalité même dans ma chambre à coucher. 

Dans la vingtaine, je me rappelle avoir désarçonné mon flirt de l’époque. À la sortie d’un bar, dans une ruelle montréalaise, il me poussait sur les épaules pour que je lui fasse une fellation. Je lui avais demandé de s’agenouiller pour me faire un cunnilingus. Il avait refusé. La sexualité est un jeu qui se joue à deux.

Culture du viol

À partir de 18 ans, les jeunes femmes doivent surveiller leur verre dans les bars. On devrait plutôt dire aux hommes que c’est criminel de droguer une personne au GHB, contre son gré. On nous recommande de ne pas envoyer de sexto alors que la plupart des jeunes hommes en demandent. Encore une fois, on incite les filles à mieux se protéger au lieu de dénoncer les gestes des malfaiteurs qui partagent ces images intimes, obtenues en toute confiance. 

J’entends aussi des histoires de mecs qui enlèvent le condom durant une relation sexuelle parce qu’ils ne se sentent pas confortables. Ou ceux qui, lors d’une histoire d’un soir, attrapent les filles par la gorge, sans préavis. Des trous de cul, ça existe. En 2016, les Américains ont élu un président qui se vantait « d’attraper les femmes par la chatte. »

« La culture du viol, c’est un ensemble de comportements qui font en sorte qu’on banalise et même qu’on excuse les agressions sexuelles. On reporte la responsabilité de l’agression sur le dos de la victime, et on remet en question la parole de la femme. On utilise le corps des femmes comme si elles étaient là pour assouvir les besoins des hommes », expliquait Pascale Parent, intervenante au CALACS, à Radio-Canada.

Encore aujourd’hui, il faut déconstruire les stéréotypes sexuels associés à la culture du viol. Il faut arrêter d’enseigner aux garçons à devenir compétitifs, agressifs, dominants et à réprimer leurs émotions pour prouver leur virilité. De manière insidieuse, on encourage les filles à être belles, douces, discrètes et soumises pour réussir à dénicher un amoureux. Ces biais inconscients perpétuent les relations inégalitaires. 

Je suis fière de ce dossier sur la culture du viol qui, j’espère, deviendra un outil de discussion pour toutes les générations. Le Comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale, créé pour restaurer la confiance envers le système de justice, a déposé son rapport en décembre dernier. Les vagues de dénonciations #metoo ont contribué à ce vent de changement qui souffle fort en Amérique du Nord et en Europe, notamment. 

La société devrait être plus accueillante et respectueuse envers les victimes, et ça passe surtout par la sensibilisation et l’éducation des citoyens. C’est ensemble, hommes et femmes, que nous pourrons construire un avenir meilleur et sécuritaire pour tous. Merci aux victimes qui ont accepté de témoigner dans ces pages.

*L’éditorial a été publié dans le magazine Reflet de Société, en février 2021.

La ligne ressource pour les victimes de violences sexuelles au Québec est le 1 888 933-9007.