Un digne représentant de Bob Marley au sourire contagieux m’a accueillie à ma retraite de yoga, la Casa Zen. J’étais exténuée et trempée de sueur en raison de la chaleur accablante et du poids de mon sac à dos que je traînais depuis sept heures le matin.

Après avoir reçu les clés de ma chambre, j’ai couru jusqu’à l’océan, à 500 mètres de mon nouveau chez moi. J’avais besoin de voir cette force de la nature pour calmer mes angoisses. Un labrador noir en liberté s’est couché à mes pieds, à l’ombre des palmiers. Je me suis effondrée à ses côtés à me laisser bercer par le bruit des vagues jusqu’au sommeil.

À mon réveil, j’ai eu droit à un premier cours de yoga mémorable sous les auspices d’un bohème américain, Matthew, grand, mince et fort probablement végétalien. Dès le départ, le quadragénaire nous a avertis que ses enseignements n’étaient pas faits pour tout le monde.

Son attitude froide et déconnectée – lui ayant atteint un niveau spirituel supérieur – ne m’inspirait pas confiance. Atteindre son niveau de quiétude me semblait une montagne impossible à gravir.

Nous étions une dizaine de personnes sur une plateforme en bois entourée de la jungle et des effluves de marijuana. Des singes capricieux lançaient des mangues qui explosaient sur le toit en tôle; irritée, je ne profitais pas encore pleinement de ce havre de paix.

Apprendre à respirer

La séance de kashmir yoga de 90 minutes était divisée en deux exercices laborieux. Détourner mon attention du passé et du futur pour contempler avec sérénité le moment présent m’a demandé un effort surhumain, surtout dans une période trouble où je remettais ma vie en question.

Je devais visualiser un vase connecté à mon nombril qui se remplissait de mon air et se vidait au rythme de ma respiration, se déplaçant devant et derrière moi, à gauche et à droite et finalement, au-dessus et en dessous de moi. C’était insupportable de ne pas bouger pendant une demi-heure dans un silence complet en position lotus et de seulement penser à respirer.

Mes pieds s’engourdissaient à tour de rôle. J’avais l’impression de tanguer sur un navire avec la marée au loin en sourdine. Je n’osais pas me lever pour quitter le groupe pendant que je voyais des sources d’énergie verte traverser ma posture inconfortable. J’avais l’impression d’halluciner étant à jeun et fatiguée. J’avais définitivement mal au cœur.

Position inusitée

Quand j’ai cru que mon supplice était terminé, j’ai eu le droit à la deuxième partie étrange du cours. Cette fois-ci, nous devions deux par deux prendre une position qui semblait à priori sexuelle pour respirer en harmonie.

J’ai fait équipe avec une Italienne d’une quarantaine d’années aussi gênée que moi. Ma partenaire aux longs cheveux noirs était d’abord assise sur moi avec les jambes de chaque côté de mes hanches. Elle s’est ensuite allongée sur le dos. Je devais me pencher sur elle et gonfler mon ventre contre son périnée pour transmettre l’énergie de ma respiration.

Au début, Isabella riait beaucoup pendant que j’essayais d’intellectualiser cette situation absurde et de calmer ma nervosité, étant néanmoins ouverte aux nouvelles expériences. Une fois le malaise passé, nous devions redoubler d’efforts pour rester concentrées et vivre l’inspiration et l’expiration en tandem. Nous avons ensuite inversé les rôles. À contrecœur, j’ai laissé cette parfaite inconnue pénétrer dans ma mon espace d’intimité, et j’ai lâché prise.

À la fin de la séance, Matthew a demandé si on préférait recevoir ou donner. J’ai l’habitude de diriger une équipe et de contrôler tous les aspects de ma vie. Difficile pour moi de faire confiance à l’autre et de me laisser guider. Fort comme symbole, représentatif de ma vie professionnelle et sentimentale. Cette première séance m’a finalement laissée songeuse.

* À noter que les noms de Matthew et Isabella ont été changés pour préserver leur anonymat.

Auteure

J'adore raconter des histoires! Souvent comme journaliste, ici comme chroniqueuse.

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